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L’approche « Jobs to Be Done » de Quinn Ballard en photographie

12 min. de lecture Date de publication

Photographe d’architecture, Quinn Ballard adopte pour chaque séance une approche réfléchie, entièrement centrée sur le client. Dans cet entretien, il explique comment la stratégie, la confiance et le fait de poser les bonnes questions permettent d’obtenir de meilleures photos et de meilleurs résultats pour les agences avec lesquelles il travaille.

Quinn, parle-nous un peu de toi.

La chose la plus importante à savoir à mon sujet, c’est que ma vie a été, et continue d’être, transformée par ma foi. Elle est vraiment le moteur central de tout ce que je fais, dans mon travail comme dans ma vie.

Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour mes clients photo ? Cela signifie que je suis libre de les servir de tout cœur en fournissant un travail d’excellente qualité, sans arrière-pensée. Je n’ai plus besoin de courir après la reconnaissance ni de prouver quoi que ce soit sur moi-même. Ça peut sembler un peu profond, mais c’est la vérité.

En deux phrases, comment expliques-tu aux gens ce que tu fais ?

J’apporte aux architectes et aux entreprises de conception-construction l’assurance que leur travail sera compris exactement comme ils le souhaitent. Et pour cela, je prends des photos.

Comment es-tu venu à la photographie ?

Il y a une quinzaine d'années, j’avais un travail qui m’amenait à faire des allers-retours entre le Tennessee et l’Asie. Au Japon et en Thaïlande, les bâtiments donnaient l’impression de venir d’une autre planète. Ils étaient élégants et minimalistes, tout en restant chaleureux et organiques. Jamais stériles. D’une certaine façon, ils semblaient à la fois anciens et modernes.

Au début, je ne prêtais pas vraiment attention aux bâtiments en eux-mêmes, mais j’ai commencé à remarquer à quel point le design pouvait réellement influer sur les gens. La nourriture avait meilleur goût quand on se sentait bien dans le restaurant. Les conversations coulaient plus facilement dans une pièce chaleureuse. C’était naturel et confortable de se trouver dans un bel espace bien conçu.

De retour dans le Tennessee, vers 2010, de nombreux nouveaux bâtiments et restaurants voyaient le jour. Les architectes et les investisseurs avaient des photos de leurs projets, mais ces images étaient généralement très banales et ressemblaient à peu près à celles de tout le monde.

Ils avaient un problème, dont ils étaient parfois conscients, mais il n’existait pas beaucoup de bonnes solutions. 

Moi, j’avais un peu de temps libre, un appareil photo et Google. Alors j’ai commencé à chercher comment je pouvais contribuer à résoudre ce problème.

La première étape a été de contacter des cabinets d’architectes pour leur demander ce qui les frustrait le plus dans la photographie. Je ne cherchais pas à me faire embaucher, parce qu’en réalité je ne savais pas encore vraiment ce que je faisais. Je faisais simplement des recherches. C’est devenu une formation accélérée pour comprendre ce que les différentes agences valorisaient, les difficultés qu’elles rencontraient avec les photographes et ce qu’elles auraient aimé voir se passer à la place.

Presque toutes les personnes à qui j’ai parlé ont d’abord mentionné à quel point il était frustrant de travailler avec des photographes désorganisés, qui communiquaient mal. Ensuite seulement, elles parlaient du fait qu’elles n’aimaient pas vraiment les photos qu’elles avaient.

Pour moi, c’était de l’or en barre. Les plus gros points de douleur ne concernaient pas seulement les images finales, mais aussi le processus, la communication et l’expérience globale de la séance photo.

Comment fais-tu pour ralentir les échanges avec les clients et découvrir ce dont ils ont réellement besoin, par rapport à ce qu’ils pensent vouloir ?

Je leur dis d'emblée que je veux comprendre pourquoi ils m'ont contacté.

Puis je les laisse parler. Je pose des questions ouvertes pour nourrir la conversation, du type :

« À quoi ressemble la réussite pour vous ? »

« Comment allez-vous la mesurer ? »

« Quelles approches avez-vous déjà essayées ? »

« Comment ça s’est passé ? »

« Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ? »

« Qu’est-ce qui a été frustrant ? »

« Si vous pouviez repartir de zéro avec toutes vos images, que feriez-vous ? »

« Quel est le scénario idéal que vous voulez atteindre avec vos photos ? »

Ensuite, je continue simplement à écouter.

En général, ils ressentent cela comme quelque chose de thérapeutique et de sécurisant, parce qu’ils peuvent partager tout ce qu’ils ont en tête au sujet de leur entreprise, de leurs difficultés, de leurs photos et de tout le reste.

Comment aides-tu les clients à comprendre la vraie valeur d’une séance photo et à fixer leur budget ?

Je ne me contente jamais de balancer une liste de prestations ou un barème fixe. La plupart de mes projets n’entrent pas dans un moule, et mes clients poursuivent tous des objectifs différents. Ce qui compte le plus, ce n’est pas mon temps ni même les photos en elles-mêmes, mais le fait que les images fassent avancer l’activité du client.

Je commence par poser beaucoup de questions :

Pourquoi ce projet ? Pourquoi maintenant ? Pourquoi avec moi ? Que se passe-t-il si vous ne faites rien ? Qui sont vos clients actuels, et sont-ils ceux que vous souhaitez avoir en plus grand nombre ? Quel type de projets cherchez-vous à attirer ?

Cela permet de mettre en lumière à quoi peuvent ressembler la « réussite » ou l’« échec ». Souvent, c’est la première fois que quelqu’un a l’espace pour parler ouvertement de tout ça avec une personne extérieure. Je ne suis pas consultant en stratégie, mais j’ai besoin de comprendre où ils veulent emmener leur entreprise pour pouvoir les aider à concevoir une séance photo qui soutient cette vision.

Pour ce type d’approche, des ressources incroyables sont Jonathan Stark, Blair Enns et David C. Baker. J’ai appris plus grâce à leurs livres, leurs articles et leurs podcasts au cours des quinze dernières années qu’auprès de qui que ce soit d’autre. Cette approche m’a aidé à développer mon activité de façon efficace et sans stress.

Pour les tarifs, je donne toujours une fourchette assez large dès le premier rendez-vous, afin que nous ayons un point de repère. Si le montant leur convient, on continue. Sinon, je peux souvent repartir de ce qu’ils peuvent investir pour construire un périmètre plus ciblé, en supposant qu’ils ne sont pas simplement en train de d'obtenir un rabais.

Parfois, cela veut dire ajuster le périmètre pour qu’il rentre dans un budget. D’autres fois, cela revient à les orienter vers un autre photographe. Si quelqu’un n’est pas prêt, il m’arrive même de dire : « Je ne pense pas que vous ayez besoin de photos pour l’instant. Vous devez d'abord clarifier votre modèle économique et le problème que vous résolvez pour vos propres clients. »

Mon rôle n’est pas de mettre qui que ce soit sous pression. C’est de m’assurer que nous avons tous les deux la conviction que travailler ensemble sera bénéfique pour tout le monde. Cela inclut la garantie de ce que je peux maîtriser : la qualité des images, les délais de livraison et un processus fluide, avec le moins de stress possible, dans lequel ils n’ont pas à me gérer comme un projet de plus.

Une fois que j’ai compris les objectifs du client, j’explique concrètement pour quoi ils « engagent » les photos. Ils n’ont pas besoin de photos, ils ont besoin de résultats. Cette façon de penser vient de la méthodologie « Jobs to Be Done », qui vaut le coup d’œil.

Au bout du compte, il existe beaucoup de façons de réussir une séance photo. La clé, c’est d’écouter vraiment, de poser un cadre clair et de construire la confiance dès la toute première conversation.

Quels sont, selon toi, les « jobs » les plus courants que les photos d’architecture doivent accomplir ?

Elles servent souvent à décrocher des prix, à attirer de nouveaux clients (ou de meilleurs clients) et à aider le cabinet à se positionner à un niveau supérieur dans son secteur.

Les photos peuvent aussi aider un cabinet à se tourner vers un nouveau secteur ou vers un nouveau type de projets. Et tout aussi important, de superbes images dissipent les doutes sur la qualité du travail du cabinet, son approche et sa personnalité globale.

Quelle est la différence entre des photos qui aident un cabinet à avancer et des photos qui se contentent de documenter ses projets ?

Les cabinets qui ont du succès, qui sont respectés et qui restent pertinents ont généralement un point de vue clair et une approche affirmée, pleinement assumée. Je suis là pour accompagner chaque cabinet en l’aidant à obtenir des images qui reflètent son propre style et son propre ton. 

Il ne s’agit pas d’appliquer mon style personnel à leur travail. À la place, je reste flexible là où c’est nécessaire, tout en réalisant la séance de la façon dont je suis le plus efficace. Ce n’est jamais « le show Quinn », mais plutôt moi qui joue le rôle de leur propre photographe interne, celui qui connaît leur marque sur le bout des doigts.

Qu’est-ce qui t’a amené à passer d’un tarif à l’heure ou à la journée à une tarification fondée sur la valeur ?

Le déclic a été de voir qu’un grand client national et un petit client local, même avec des projets de portée ou d’effort similaires, ne devraient pas être facturés de la même manière. Le « travail » que je fournis peut être le même, mais le bénéfice que je les aide à générer grâce aux photos n'a rien à voir.

Un grand cabinet gagnera généralement beaucoup plus grâce à de nouveaux projets qu’un plus petit.

Il ne s’agit donc pas de proposer un tarif plus élevé juste parce que je le peux. C’est une approche juste et adaptée, qui en fait une solution gagnante pour tous les clients, quelle que soit leur taille.

Comment gères-tu les clients dont l’image de marque est un peu fragmentée parce qu’ils ont fait appel à plusieurs photographes ?

Je commence par leur dire que c’est très courant et qu’ils n’ont pas besoin de regretter. 

Ensuite, je les rassure en leur expliquant que je peux les aider, mais que ce ne sera pas réglé du jour au lendemain.

Je les accompagne avec une démarche étape par étape, sans risque, pour remettre leurs séances photo sur les rails. L’objectif est de les aider à construire un portfolio qui soit fidèle à leur cabinet et dont ils soient vraiment fiers au point d’avoir envie de le partager.

Parfois, il est logique pour moi d’ajuster ou de rééditer d’anciennes images pour les harmoniser quand c’est possible.

Si le besoin est là et que le moment s’y prête, je leur propose aussi de créer un playbook pour leurs séances photo. C’est un document technique qui permet d’éviter, à l’avenir, des visuels dispersés ou incohérents. Il est entièrement adapté à chaque client et décrit tout, du déroulé de la prise de vue à la composition, jusqu’à la retouche.

Une fois que le playbook est en place, ils peuvent le confier à n’importe quel photographe compétent en ayant la certitude que les images qu’ils recevront resteront cohérentes et alignées sur le ton et l’identité visuelle de leur marque.

Ce n’est pas une manière révolutionnaire de faire les choses. C’est simplement quelque chose que beaucoup de cabinets n’ont jamais fait, soit parce qu’ils n’avaient pas compris que c’était important, soit parce qu’ils n’en avaient tout simplement pas besoin au départ. 

Mais à mesure qu’un cabinet grandit, il devient plus difficile de lever le pied pour définir clairement ses bases visuelles. La plupart du temps, ils savent déjà que les visuels sont l’un des moyens les plus puissants d’influencer la façon dont les gens perçoivent leur marque. Ils comprennent aussi que le problème de portfolio ne fera qu’empirer s’ils ne commencent pas à apporter des changements.

Pour moi, c’est un vrai cadeau de voir à quel point mes clients sont moins stressés et plus joyeux au quotidien simplement parce que certains de leurs soucis liés aux photos ont été réglés. Je sais bien que je ne peux pas résoudre tous leurs défis, mais contribuer à en éliminer quelques-uns est clairement un privilège.

Selon toi, qu’est-ce qui fait que toi et un client allez former une excellente équipe ?

Je vais reprendre ici ce que j’écris sur mon site :

Un client et moi formons une excellente équipe s’il est ouvert aux nouvelles idées, prêt à me laisser gagner sa confiance, s’il tient ses engagements, s’il ne considère pas qu’il est interdit de rire et s’il est émotionnellement équilibré. Pas parfait, simplement sain.

C'est vraiment aussi simple que cela.

Parle-nous de la lumière. Est-ce que tu prends plutôt tes photos à un moment précis de la journée ou est-ce que tu amènes ton propre éclairage ?

Au début, les flashes me terrifiaient, tout simplement parce que je ne savais pas ce que je faisais. Avec le temps, j’ai appris à m’en servir comme d’un outil pour obtenir des expositions réalistes sur les fenêtres ou pour éclaircir légèrement une zone sombre sans donner à l’image un aspect trop artificiel.

En général, j’essaie d’obtenir les plans du bâtiment ou au moins de passer en voiture pour voir comment il est orienté. Ça m’aide à déterminer le meilleur moment de la journée pour photographier.

La plupart du temps, je commence uniquement avec la lumière naturelle. Je fais quelques expositions avec toutes les lumières de la pièce éteintes, puis une avec les lumières allumées et tamisées si possible, et enfin quelques expositions des fenêtres.

J’utilise un flash pour obtenir une exposition propre des fenêtres. J’expose pour la fenêtre, je pousse le flash pour surexposer la pièce, puis j’utilise le mode de fusion « Obscurcir » en retouche. La plupart de mes clients veulent que leurs espaces paraissent éclairés naturellement, donc je règle souvent le flash ou les calques de lumière sur seulement 15 à 25 % d’opacité. Ça permet de garder un rendu discret et naturel.

À moins qu’une séance ne demande un rendu très lumineux, percutant, contrasté et ultra propre, j’utilise rarement plus de deux petits flashes. Mon objectif est toujours de photographier l’espace tel qu’il apparaîtrait un jour parfait, au moment idéal, avec une mise en scène parfaite et en accord avec le style et les objectifs de mon client pour la séance.

Au fil des années, j’ai développé de solides compétences en retouche et je continue à apprendre de nouvelles techniques pour gagner en qualité et en efficacité. Comprendre les bases des modes de fusion pour la lumière, en particulier Éclaircir, Obscurcir et Luminosité, fait une énorme différence dans les situations d’éclairage complexes. Affinity rend ce processus vraiment fluide.

Combien de temps passes-tu à prendre des photos par rapport au temps passé en retouche ?

En général, je passe une à deux fois plus de temps à éditer et retoucher qu’à shooter. Au début, je passais quatre à cinq fois plus de temps en retouche qu’en prise de vue.

Affinity a rendu mon flux de travail beaucoup plus rapide et m’a aidé à progresser à la fois comme photographe et comme retoucheur. Quand j’arrive sur une séance, je suis confiant dans tout ce qu’Affinity peut faire et je sais à quoi ressemblera le flux de retouche. Ça m’aide à capturer uniquement les éléments dont j’ai besoin (lumières allumées, lumières éteintes, prises au flash, prises de vue de référence, etc.), sans shooter à l’excès.

Je n’aurais jamais cru aimer autant la retouche et l’édition, et c’est grâce à Affinity. C’est mon premier amour depuis le premier jour où je m’en suis servi, et ça n’a pas changé. 

D’après toi, quel est l’ingrédient essentiel derrière les meilleures photos ?

Ça dépend de ce que tu entends par « meilleures ».

Si tu parles de ce qui rend une photo efficace ou réussie, au fond, la vraie question c’est de savoir si l’image fait ressentir à quelqu’un ce que le client ou le photographe voulait qu’il ressente.

Donc, oublie les « règles ». Oublie un peu la technique. Qu’est-ce que ça fait ressentir ?

Se laisser guider uniquement par ses émotions n’est pas un super conseil de vie, mais les émotions restent essentielles !

Qu’est-ce qu’il faut, selon toi, pour construire une carrière durable et épanouissante de photographe d’architecture ?

De la pratique. De la patience. YouTube. Surtout YouTube, pour être honnête. Je plaisante. En quelque sorte.

C’est utile d’étudier ce qui fonctionne dans d’autres secteurs et de voir comment tu peux l’appliquer à ton activité de photographe. Demande des conseils. Concentre-toi sur la résolution des vrais problèmes de tes clients. Mets en place des systèmes et des workflows pour ne pas perdre ton temps à refaire sans cesse les mêmes tâches ennuyeuses.

Arrête de te tracasser pour ce que devrait être l’étape 25 alors que tu es encore à l’étape 2.

Pose ton téléphone et va te promener. Demande aux autres comment ils vont et retiens vraiment ce qu’ils te répondent. Prends des vacances. Sois raisonnable avec l’argent, mais ne l’amasse pas par peur. Regarde une bonne série comique – si tu n’as jamais vu Stath Lets Flats ou A.P. Bio, essaie.

Apprends à bien communiquer.

Accepte que ce qui dirige ton cœur finira par diriger ta vie.

Et surtout, ne te prends pas trop au sérieux. 

Sérieusement.



Quinn est basé à Nashville, dans le Tennessee. Vous pouvez découvrir davantage de son travail sur son site understoodspaces.com.

À propos de l’auteur

Je suis photographe professionnel, créateur de contenu passionné et pédagogue, et j’adore utiliser la photo pour documenter, transmettre et inspirer les autres. J’adore la technologie et la retouche, des outils modernes qui nous permettent d’imaginer et de créer des résultats bluffants.

Photographe et expert en produits
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